Association de sauvegarde de la Siagne et de son canal La Siagne et son canal : Patrimoine et devoir de mémoire du moyen pays grassois

L’histoire du canal

« L’histoire d’un défi qui a doté le moyen pays grassois d’un lieu magnifique »

L’eau a toujours manqué dans nos régions méditerranéennes. Mais à la fin du XIXéme siècle, avec le développement des villes littorales comme Cannes et le développement de l’industrie grassoise, la pénurie d’eau devint un problème pour tous. Un canal dérivant les eaux de la Siagne s’imposait.

1850 : Deux projets de dérivation des eaux de la Siagne voient le jour. A St Cézaire, le projet Bosc, prévoyant d’alimenter les communes de St Cézaire, Cabris, Le Tignet, avec prise d’eau à St Cézaire. A Cannes, le projet des Ponts et Chaussées, pour desservir Auribeau, Pégomas, La Roquette Le Cannet et Cannes, avec prise à Auribeau.

Ces projets restèrent en souffrance.

1860 :  Le projet de Cannes resurgit en 1860, après que Cannes ait doublé sa population et que l’empereur Napoléon III, en visite à Nice nouvellement rattachée à la France, ait apporté son soutien au développement de Cannes.

1862 : Le 31 janvier 1862, la ville de Cannes passait un traité avec la Compagnie Dussard et Cellier pour la distribution d’eau de la ville avec la construction du canal.

Le projet de dérivation, étudié par les Ponts et Chaussées, à partir d’Auribeau était abandonné. Le projet était repensé à l’échelle du bassin de la Siagne, en incluant Grasse.

Sa prise se trouvait à St Cézaire, à l’endroit préconisé par le projet Bosc. Mais à la différence de celui‑ci, il ne desservait aucune des communes, son tracé restant au‑dessous des terroirs et des villages.

1865 : Dès sa parution, en 1865, l’avant‑projet suscita de violentes réactions de la part des communes. Elles se réunirent toutes en conseil exceptionnel à l’automne 1865.

St Cézaire : « un avant‑projet d’irrigation, destiné à conduire à Cannes les eaux de la Siagne, vient d’être présenté par la Ge Dussard et cellier. Ce projet s’il était approuvé, nous priverait a tout jamais des eaux de la Siagne. »

Cabris : << Monsieur le maire fait part au conseil du projet d’irrigation des eaux de la Siagne tendant à  dériver de cette rivière des eaux très nécessaires pour alimenter non seulement la commune de Cabris, mais encore celle de St Cézaire et du Tignet, qui dans la saison d’été en sont presque totalement dépourvues, question de vie ou de mort pour ces trois communes. » Le conseil se réfère au projet Bosc et rejette le projet Dussard et Cellier.

Grasse est hostile à ce projet également et délibère le 17 octobre 1865.

L’ingénieur des Ponts et Chaussées, au vu des réactions, propose alors d’abandonner ce projet et de promouvoir un projet de canal, avec prise à St Cézaire, et alimentant toutes les communes y compris Grasse .

Réaction de Cannes : le 18 octobre 1865, la ville de Cannes met en demeure la Compagnie de commencer les travaux prévus dans les deux ans après la signature du traité.

La Compagnie intervient auprès du préfet pour faire taire les oppositions, notamment celle de l’ingénieur des Ponts et Chaussées.

Le 29 mars 1866, le Ministre opte pour le projet de la Compagnie privée et demande que le projet Dussard et Cellier soit mis à l’enquête publique.

L’enquête publique a lieu à partir du 5 avril 1866 ; la composition de la commission d’étude est très controversée par les ingénieurs de l’Etat eux‑mêmes.

Les oppositions sont nombreuses : elles soulignent que le canal passe trop au‑dessous des localités de St Cézaire, de Cabris, du Tignet et de Grasse. Les communes préfèrent le projet Bosc qui alimenterait en eau potable les habitants et irriguerait les terres sans priver d’eau les communes intérieures, non plus que Grasse. Malgré ces oppositions, le projet est reconnu d’utilité publique et adopté par décret le 25 août 1866. Il approuve la convention passée le 21 août 1866 entre le Ministre de l’Agriculture et des Travaux Publics, le maire de Cannes et les sieurs Dussard et Cellier, agissant au nom de la compagnie anglaise General irrigation and Water supply Company of France limited.

Cette convention porte concession du canal de la Siagne et du Loup pendant 50 ans à cette compagnie et à perpétuité ensuite à la ville de Cannes.

Tracé définitif du canal :« Ce nouveau canal aura son origine sur la rivière de la Siagne. Il se composera d’un canal principal et de canaux secondaires… Il comprendra aussi une dérivation de la Siagnole… enfin, il sera alimenté par une dérivation du Loup… rejoignant le canal principal près de Grasse, après avoir desservi tout ou partie des territoires du Bar, de Châteauneuf et de Grasse » (Extrait du Cahier des charges de la Compagnie).

Un litige naît avec la ville de Grasse qui réclame la concession du canal du Loup. Cannes répond par une délibération confirmant la propriété totale du canal de la Siagne qui comprend celui du Loup.

1868 : L’inauguration: La construction du Canal est achevée dans sa branche principale le 16 août 1868. La ville de Cannes pavoise : « Cannes était en liesse ; en présence de cinq à six mille personnes de Cannes et des communes avoisinantes, la ville fête l’inauguration du Canal de la Siagne. »

La concession est cédée à la Société Lyonnaise des Eaux en 1869.

Des mécontents et des heureux : Les lendemains furent amers pour les communes oubliées en partie haute. Seule St Cézaire tira son épingle du jeu : le 8 avril 1866 son maire obtint de la Compagnie, en échange d’une redevance de 3 500 F pendant 50 ans, la construction « d’une machinerie capable de porter dans un réservoir 200 m3 en 24 heures » (le bélier). Les autres communes attendront la construction du Canal Belletrud, en 1931 pour être desservies en eau.Les villages au‑dessus du Canal  Le Tignet, Cabris, Spéracèdes  ne bénéficieront pas de son eau

Les communes entre Grasse et Cannes, alimentées par le Canal de la Siagne connurent, elles, un réel développement de leur économie, tant industriel qu’agricole et les populations furent correctement alimentées en eau domestique.Mouans‑Sartoux, Mougins et Le Cannet pourront, grâce au Canal, développer leur économie et leur agriculture, notamment la culture des plantes à parfum.